Origines et évolutions des idées transhumanistes

Rémi Sussan — 27.10.2014

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Bonjour à tous et merci d’être venus, effectivement, je vais essayer de tracer l’historique de cette étrange chose qu’on appelle le « transhumanisme ».On va commencer par une petite définition pour ceux qui ne connaissent pas trop cette idée : C’est l’idée – je dis bien « l’idée », je ne dis pas le mouvement, l’idéologie, la philosophie car ce n’est pas une philosophie ni un mouvement, mais c’est un ensemble d’idées, c’est une attitude – qui consiste à penser que grâce à la technologie, et la science qui l’accompagne, l’être humain va pouvoir dépasser sa nature et ses limites propres, notamment la première des limites, qui est naturellement notre longévité courte.Enfin, je tiens à dire que l’être humain est un des objets dans l’univers qui est de plus longue durée de vie par rapport à sa taille. Mais on en est quand même un peu insatisfait, c’est très rassurant de savoir cela. Donc, cette première limitation.Pour éviter tout malentendu, le transhumanisme, ce n’est pas le sur-homme nietzschéen, c’est encore moins quelque chose de raciste ; c’est quelque chose qui nous concerne tous. J’aime bien donner comme comparaison les super-héros de chez Marvel comme modèle du transhumanisme. C’est-à-dire que vous avez un gars comme le docteur Banner – qui est un type tout à fait comme vous et moi – et un jour il prend un produit par erreur dans la figure et il devient Hulk.Sans vouloir devenir Hulk, c’est un peu le modèle ; c’est-à-dire que ça nous concerne tous, c’est la façon dont nous, nous allons peut-être nous transformer dans l’avenir sous l’influence de la technologie, et bien entendu il ne s’agit pas – du moins pas de manière doctrinale, même si des transhumanistes, il y en a de toutes les tendances et de toutes les formations politiques – il ne s’agit pas au centre d’une idéologie élitiste qui positionnerait l’existence d’un surhomme par rapport à des non-surhommes voire à des sous-hommes. C’est pas du tout le sujet.Le sujet, c’est bel et bien la technologie qui nous permet de dépasser nos limites. D’où vient cette idée ? A partir de quand a-t-on commencé à se dire « grâce à la technologie, l’homme va pouvoir atteindre une nature supérieure » ?C’est assez vieux quand même, puisque le premier livre de l’histoire humaine, qui s’appelle « L’épopée de Gilgamesh », raconte l’histoire d’un roi qui va rechercher une technologie, – il va aussi essayer de prier, mais ça ne va pas marcher – une potion qui va le rendre immortel. Il trouve la potion, mais un serpent lui vole la potion et finalement, ça ne marche pas.Autre livre qui fait mention de technologie, c’est les Védas indiennes, qui parlent d’une drogue mystérieuse qui s’appelle le Soma. On se sait pas de quoi était constitué le Soma, si c’est une vraie drogue ou si c’est la métaphore d’une drogue, mais il y a un passage dans le Rigveda où on dit « Nous avons bu le Soma, nous sommes devenus immortels, nous sommes devenus des dieux ».Si vous vous plongez dans la mythologie grecque, vous aperçevez que les dieux de la mythologie ne sont pas très différents de nous, sur le plan du caractère ou de la maturité émotionnelle ou intellectuelle – ils seraient même un petit peu en-dessous – mais ils possèdent aussi des produits qui sont l’ambroisie, qui sont le nectar qui leur garantissent l’éternelle jeunesse et l’immortalité.Je ne sais plus lequel garantit l’éternelle jeunesse et lequel garantit l’immortalité, mais je crois qu’il y a un personnage de la mythologie grecque qui a eu le produit de l’immortalité sans avoir celui de l’éternelle jeunesse, et qui l’a beaucoup regretté par la suite.Tout ça ce sont des légendes, mais cette idée va commencer à être un petit peu formalisée dès le deuxième siècle de notre ère.Vous savez que le deuxième siècle de notre ère, aux alentours de l’Egypte, de la Syrie, de la Grèce etc, est une période extrêmement effervescente sur le plan religieux.Je dirais que c’est là que même le christianisme a pris forme – bien sûr le christianisme est un peu plus ancien que le deuxième siècle, mais disons c’est à partir du deuxième siècle qu’on commence vraiment à avoir une formalisation du christianisme. Mais il y a aussi un ensemble d’idées, d’hérésies, de doctrines, qui s’apparentaient à ce qu’on appelait le « néo-platonisme » à l’époque, et qui jouaient avec un certain nombre de concepts ; et il y avait notamment une doctrine qui s’appelait « l’hermétisme ».L’hermétisme partait du principe que par la connaissance de certaines techniques, on peut arriver à la connaissance de Dieu. La formule, c’est l’épistémé, c’est-à-dire la connaissance mondaine qui conduit à la gnosis, c’est-à-dire la connaissance divine.Et donc, il fallait apprendre des techniques, et ces techniques nous permettaient, selon les gens de l’époque, d’atteindre cet état de gnosis. Les techniques de l’époque n’étaient bien sûr pas les mêmes que celles que vont utiliser aujourd’hui les transhumanistes, il y avait en gros trois ensembles de techniques :L’astrologie pour connaître son destin ; la magie pour modifier son destin tel qu’il était décrit par l’astrologie ; et l’alchimie, un ensemble de potions qui nous permettait d’atteindre l’immortalité.Bien entendu, ce sont des techniques qui ne sont pas extrêmement efficaces d’après ce qu’on sait aujour’hui, mais regardez l’épistémologie et la philosophie de ces techniques :L’astrologie, c’est savoir quel est notre déterminisme. Aujourd’hui, vous avez des gens qui vont commander, sur internet, une grosse portion de leur génaux (de leur ADN), pour essayer de voir à quoi ressemble leur « destin » : leur santé, mais peut-être aussi leur personnalité selon certains, ça c’est très débattu.La magie, ça n’existe pas trop, mais l’idée d’utiliser des techniques issues des sciences cognitives pour augmenter nos connaissances, voire nos capacités mentales ; c’est quelque chose qui aujourd’hui est aussi régulièrement pratiqué.L’alchimie, c’est bien entendu l’ensemble et l’arsenal de tous les produits chimiques, et à cela on peut rajouter aussi les produits électroniques qui sont susceptibles de changer notre corps.On est donc un petit peu dans la même idée. Et il y avait pas mal d’idées intéressantes dans l'Asclepius, cette idée de technologie qui peut nous permettre d’atteindre l’état divin.Il y a par exemple un passage – je vous ai donc cité l'Asclepius, c’est un des principaux manuscrits hermétiques – et il y a un passage qui a frappé les hermétistes pendant des siècles et des siècles, c’est un passage où on parle des dieux égyptiens.Alors il faut savoir que l’hermétisme est en fait une création grecque, mais qui déjà voyait l’Egypte, qui était déjà l’Egypte antique pour les Grecs, comme étant la source de toutes les sagesses. Ce sont donc des textes pseudo-égyptiens.Des recherches récentes laissent avancer qu’il y aurait quand même des sources authentiquement égyptiennes dans l’hermétisme, mais c’est une autre histoire.Il y a ce passage – dans ce livre qui s’appelle l'Asclepius, qui est un des rares manuscrits hermétiques qui a traversé l’histoire de l’Occident au Moyen-âge – qui dit finalement « Les Egyptiens ont créé leurs dieux. Ils ont créé les statues, ils ont fait venir les esprits des planètes à l’intérieur des statues, ils les ont incarnés, et c’est comme ça que les êtres humains ont créé des dieux ».Et c’est un passage qui va avoir une grande influence sur toute la pensée, notamment à la Renaissance et au Moyen-âge, et c’est probablement ce passage qui va donner naissance à des doctrines par la suite dans les trois religions monothéistes, après la dispartion du paganisme, comme par exemple la légende du Golem dans le judaïsme.Vous connaissez sans doute cette légende comme quoi un rabbin très sage pouvait construire une structure en argile, et grâce à des instruction cabbalistiques, lui donner vie.Le Golem est une légende très liée à un texte pré-cabbalistique (le Sefer Yetsira), qui date aussi de ce deuxième siècle après Jésus-Christ, à peu près.Il y a aussi dans l’Islam une tradition alchimique qui dit « Celui qui atteint la sainteté peut, à l’instar de Dieu, créer la vie humaine ».Et en Occident, vous avez l’histoire de l’alchimie, où il y a créaction de l’homme occulte, c’est-à-dire un être artificiel créé par des méthodes alchimistes.C’est donc une idée qui va beaucoup travailler les héritiers de l’hermétisme au Moyen-âge et à la Renaissance – et surtout à la Renaissance, parce qu’au Moyen-âge il y a eu une espèce de disparition de ces doctrines – mais qui va aussi beaucoup les inquiéter parce que quelque part, quand même, ça frise l’idôlatrie et le polythéisme (créer ses propres dieux…).Mais ceci dit, il y a eu effectivement, dès la Renaissance, un intérêt pour l'Asclepius, et notamment quelqu’un qui s’est profondément intéressé à ce sujet, c’est Pic de la Mérandole.Pic de la Mérandole a écrit le manuel pour la dignité (« L’oraison pour la dignité de l’être humain »), qui commence par une citation de l'Asclepius, qui dit : « Quelle chose merveilleuse qu’est l’homme ».Ensuite, le texte de Pic de la Mérandole continue en disant : « Finalement, ce que l’homme a d’extraordinaire, c’est qu’il est capable de se transformer ». C’est-à-dire qu’il est capable d’être ce qu’il veut. Ce que même les anges ne peuvent pas faire.C’est extrêmement intéressant, parce qu’on découvre que l’humanisme de nos origines – puisque ce texte « L’oraison » de La Mérandole est une source de l’humanisme – est en fait déjà un transhumanisme. C’est déjà très intéressant.Il va donc y avoir, à la Renaissance, cet intérêt qui va renaître pour l’hermétisme, et cet intérêt, qui va aussi faire renaître une idée qui était très importante au deuxième siècle, celle des néo-platoniciens qui héritaient de Platon et de Pythogore, c’est l’idée d’un fondement mathématique à la réalité. Aujourd’hui, c’est à peu près naturel de penser que les sciences s’expriment en termes d’équations, mais au début de la Renaissance c’était un acte de foi. Il n’y avait aucune preuve de cela. Et ça, c’est une idée qu’il y a beaucoup dans les milieux hermétistes de la Renaissance, et certains en ont été très frappés et très intéressés ; notamment, très infulencés par ces idées hermétiques et magiques, il y avait Giordano Bruno qui fut brûlé par l’Eglise catholique pour des tas de raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais pas uniquement pour avoir dit que la Terre tournait autour du soleil mais également pour pratique de la magie et de la sorcellerie. Giordano Bruno était donc très marqué par l’hermétisme.Johannes Kepler, qui était astrologue, était également très marqué par l’hermétisme, et quand Galilée dit « Dieu écrit dans le livre de la nature en formules mathématiques », il reprend cette vieille idée néo-platonicienne. Et enfin, vous avez la naissance de la science avec Isaac Newton, qui était lui-même alchimiste. Vous savez qu’Isaac Newton a écrit beaucoup plus de livres d’interprétation de l’Apocalypse et sur l’alchimie que de traités mathématiques. Donc c’était quelqu’un qui était vraiment là-dedans. C’est donc intéressant. Pour l’instant, on va laisser tomber cette histoire d’hermétisme, mais rappelez-vous cela :Aux origines de la science, il y a quand même un courant fortement influencé par cette idée : « Nous pouvons devenir divins par la technique et par la science ». Elle est déjà présente, et elle court jusqu’à Newton et à partir de Newton elle se sépare un peu de cette idée, mais elle est présente. Et à chaque fois qu’il y aura attrait pour la science / attrait pour la technologie, il y a des gens qui vont dire qu’on peut aller beaucoup plus loin, qu’on peut effectivement atteindre un état qui dépasse nos limites.Maintenant, on va faire un saut de quelques siècles et arriver aux origines de ce qu’on appelle le transhumanisme actuel. Alors d’où vient cette idée que, par la technologie, nous pouvons effectivement devenir immortels, super intelligents, (super costauds n’intéresse pas trop les transhumanistes, ils s’en foutent complètement d’être costauds), pouvoir dépasser ces limites.Dans les années 30-40, il commence à y avoir des penseurs – je ne dirais pas des scientifiques, mais des penseurs – qui commencent à dire que la technologie peut vraiment transformer les choses. Vous avez par exemple un architecte qui s’appelle Buckminster Fuller, qui va avoir une grande influence sur tous les mouvements qu’on appelle futuristes américains. Buckminster Fuller, c’est l’inventeur de ce qu’on appelle le dôme géodésique. Vous en avez peut-être vus, c’est ces espèces des lueurs en forme de dôme qui sont constituées en forme de triangles – j’insiste sur le mot triangle, la géode à la Villette n’est pas un dôme géodésique parce que ce sont des carrés, c’est donc très important que ce soient des triangles pour que ce soit un vrai dôme géodésique.Et Fuller disait que c’est par la technologie que nous allons changer les choses. Que l’humanité va évoluer. « N’essayez pas d’apprendre la morale aux gens, de toute façon ça ne marchera pas, n’essayez pas de les changer de l’intérieur, changez leur environnement, changez leur architecture, changez leur urbanisme, et vous allez changer les comportements ». Fuller a commencé à écrire dans les années 30-40, et à avoir des brevets et des inventions dans les années 30-40 ; il y en a eu d’autres qui ont commencé à jouer avec des idées dans le même genre. Vous avez, dans les années un peu plus tard, un penseur qui s’appelle Gregory Baetson, par exemple, qui est un Anglais installé au Etats-Unis, qui va faire la fusion entre les sciences humaines et la cybernétique naissante.Il va dire que les systèmes mentaux, quels qu’ils soient (que ce soit une forêt de séquoias, un robot ou un être humain), fonctionnent sur une série de lois qui sont analogues.Betson va être très influent sur sur ces milieux futuristes. C’est assez ironique parce que lui-même n’était pas un futuriste du tout, n’était pas du tout un fan de la technologie. Betson détestait en fait tout ce qui était technologie, il pensait que c’était quelque chose de primaire, brutal, etc ; mais il va être très influent dans ce domaine.Vous avez aussi quelqu’un comme Marshall McLuhan qui va écrire plus tard, dans les années 50-60, et qui va dire que les médias (radio, TV, écriture), changent la structure de notre cerveau. Tout le monde connaît Marshall McLuhan pour quelques formules bien senties : « Le médium c’est le message », « Nous vivons dans le village global », etc ; mais son idée principale c’est ça : c’est que la culture, c’est le changement de la structure morale de notre cerveau, sous l’influence des médias.Donc vous avez toutes ces idées qui commencent à germer, et surtout, vous avez quelque chose qui commence à pervertir la jeunesse américaine, c’est la science-fiction. C’est quelque chose d’absolument central. Dans toute cette histoire, la science-fiction va être LA littérature mythologique de toutes ces idées que sont le transhumanisme. Presque tous les transhumanistes – je dirais même tous – sont des lecteurs de science-fiction. Vous avez donc ces idées-là qui commencent à apparaître, et dans la fin des années 50, quelque chose va arriver sur le marché, c’est un produit chimique qui est censé nous permettre d’atteindre des états de divinité – remarquez toujours le lien avec le mysticisme et la religion, c’est pour ça que des fois c’est pas trop sur l’hermétisme etc, il y a toujours ce fond un petit peu religieux de dépassement de la conscience etc. Il va donc y avoir un produit chimique qui va fasciner beaucoup de monde, qui s’appelle le LSD.Le LSD va être testé un petit peu partout aux Etats-Unis, notamment dans le laboratoire où travaille Gregory Baetson, qui s’appelle le Mental research Institute à Palo Alto , où ils vont tester du LSD en série.Et les gens vont commencer à se passionner pour le sujet, et notamment vous allez avoir quelqu’un à l’époque qui en 1960 va prendre non pas du LSD mais des champignons hallucinogènes à Mexico, et qui va en être fort ému, qui s’appelle Timothy Leary. Il va lancer ce qu’on appelle le mouvement hippie, la contre-culture, etc. C’est un professeur de Harvard. Encore une fois, c’est intéressant de noter son itinéraire. C’est un prof de psychologie de Harvard, qui n’est au début pas du tout quelqu’un dans le mysticisme, dans le New Age. La psychologie Timothy Leary à l’époque, c’est le diagnostique interpersonnel de la personnalité, c’est une tentative de mesurer les comportements au sein d’un groupe, avec des chiffres ; c’est quelqu’un qui n’est pas du tout lecteur de Jung, de Freud ou des choses comme ça. Il considère cela comme complètement infantile, il veut une psychologie très carrée ; et voilà qu’il prend des champignons et qu’il débloque complètement, et qu’il se met à déclarer « j’ai rencontré Dieu », etc.Mais, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a cette idée qui commence à apparaître que finalement, avec des produits chimiques, avec de la technologie, on peut changer quelque chose à la nature humaine.C’est un peu étonnant, parce que les hippies on les imagine très anti-technologie etc ; mais il y a en fait tout un courant, à l’intérieur dans un mouvement psychédélique, qui est très scientifique.Vous avez quelqu’un comme John Lilly par exemple. John Lilly est un des pionniers de la cybernétique, c’est un type qui a inventé pas mal de choses notamment des micro-électrodes à implanter dans le cerveau animal sans les faire souffrir, c’est vraiment un neurologue. Lui aussi va rentrer dans la recherche psychédélique, il va commencer à inventer une nouvelle technique qui consiste à s’isoler dans un bain d’eau salée, ce qui fait qu’on n’est plus en contact avec rien ce qui fait qu’on appelle ça un caisson d’isolation. Peut-être certain d’entre vous ont-ils testé cela parce que il y a encore aujourd’hui des instituts de beauté ou de relaxation qui ont des caissons d’isolation. Mais John Lilly ne se contente pas de s’isoler dans un caisson, il y reste six heures, il prend du LSD dans le caisson, après il prend de la kétamine dans le caisson, et il commence à halluciner de plus en plus, naturellement. Il a souvent des visions très futuristes des choses.Il va écrire un livre qui indique bien les choses, qui s’appelle « Programmer et métaprogrammer le bioordinateur humain ». Voilà un des premiers écrits qui dit que finalement l’homme, la machine, l’ordinateur etc, fonctionnent un peu sur les mêmes principes, et on peut reprogrammer le cerveau, on peut recréer une personnalité, alors John Lilly s’imaginait et disait qu’il programmait ses croyances.Il s’enfermait dans le caisson, partant du principe qu’il était dans un voyageur hors du temps, ou qu’il était un extraterrestre, et il vivait l’expérience d’un voyage hors du temps, ou d’un extraterrestre par exemple.John Lilly a travaillé avec Grégory Bateson. John Lilly est également celui qui a travaillé le premier sur le langage des dauphins – ou sur le pseudo-langage des dauphins.Il a beaucoup travaillé là-dessus, et Bateson était venu travailler avec Lilly sur les dauphins, et finalement Betson est parti du laboratoire de Lilly parce qu’il en avait assez de voir des gens de la CIA qui étaient tout autour et n’arrêtaient pas d’observer ce que faisait John Lilly.Là, vous voyez aussi quelque chose qui va être très récurrent, cette espèce de mélange de contre-culture, d’espionnage, de militarisme, de commerce etc, qui commence à se pointer à l’intérieur de l’histoire de John Lilly. J’ai parlé de Thimoty Leary quelques minutes. Timoty Leary, pendant les années 60, il n’est pas du tout dans la science. Il a laissé tomber la psychologie, il a laissé tomber les chiffres, il est en robe blanche, il a de l’encens, il a des fleurs dans les cheveux…Ce qui se passe ensuite dans les années 70, c’est qu’il est mis en prison, pour la possession de deux joints il est condamné à 30 ans de prison. Quand il arrive en prison on lui fait remplir un questionnaire pour savoir exactement qui il est. Ce questionnaire, c’est lui qui l’a écrit dans les années 60 avant de changer ; donc il écrit qu’il est inoffensif, passif et sans grand danger ; il s’évade. Il fuit, il est repris en prison etc, mais surtout, ce qui va se passer pendant cette période, c’est que le côté hindouiste, mystique de Timothy Leary va disparaître et laisser la place à un futurisme extrême. Il dit finalement « Je me suis planté, l’hindouisme, le mysticisme et tout ça, ça ne va pas loin, ça bloque, ce qu’il faut penser maintenant, c’est l’accès à de nouvelles formes de mutation de l’être humain ».Il met au point une espèce de mythologie qu’il appelle la théorie des 8 circuits où il imagine l’être humain va passer par plusieurs phases, un peu comme une chrysalide et un papillon, sous l’influence de la technologie.Quand finalement il sort de prison – certains disent qu’il est sorti parce qu’il aurait donné certains de ses amis, et c’est apparemment possible – il rencontre un groupe de jeunes gens qui ne sont plus du tout des hippies, mais qui sont des gens très investis dans la conquête de l’espace privé. C’est l’époque où la NASA arrête d’envoyer des fusées vers la lune, et ça le fait reprendre le flambeau de cette conquête de l’espace privée. C’est ce qu’on appelle la L5 Society ce sont des gens qui veulent créer des cités spaciales en haute orbite, où les gens pourront vivre dans l’espace. C’est dans cette espèce de melting pot qu’on va commencer à parler de plus en plus d’immortalité, d’ordinateur, c’est un milieu qui va être très mêlé à un autre mouvement qui s’appelle le mouvement cryonique qui dit qu’il faut congeler les gens pour qu’ils ressuscitent un jour où la science le permettra.Le mouvement cryonique est pour le meilleur et pour le pire fortement lié au transhumanisme – ce qui est une chose que personnellement je regrette, mais ce sont des choses qui arrivent.Vous avez donc cette espèce de mouvement qui va se former, et qui petit à petit – ce qui est très intéressant : cet espèce de milieu très branché à la fois sur la science-fiction mais aussi sur le mysticisme et sur l’occulte (parce que bien sûr, tous ces gens issus du monde psychédélique pratiquent la méditation, voire la sorcellerie… mais en même temps avec un goût pour la rationnalité extrême) va donner naissance petit à petit en Californie à ce mouvement qu’on appelle aujourd’hui le transhumanisme.C’est-à-dire que c’est dans cette société, qui s’appelle la L5 Society, qu’on va voir des petits jeunes qui vont débouler, qui vont devenir très connus par la suite. Vous allez avoir un certain Ray Walford, qui va être ensuite le promoteur de la restriction calorique, une des techniques d’extension de la durée de vie, qui est une des plus connues. Donc Ray Walford était dans la L5 Society. Vous allez avoir Eric Drexler, qui est l’inventeur du concept de nanotechnologie (il n’a pas vraiment inventé le concept, Richard Feynman l’avait fait avant lui, mais c’est lui qui a popularisé le terme). Il est dans la L5 Society. Vous allez avoir des gens comme Chris Langton, qui va créer ce qu’on appelle le champ de la vie artificielle. Lui aussi est membre de la L5 Society.Donc vous avez cette espèce de melting pot qui va, autour de Leary mais finalement Leary joue plus un rôle de catalyseur, pas un rôle créateur mais plutôt un rôle de médiatiseur, qui va se créer dans les années 70 ; et dans les années 80-90, vont se créer les premières communautés transhumanistes, communautés qui vont être au départ très marginales. Effectivement, dans les années 80-90, les transhumanistes ne sont pas du tout pris au sérieux, ils sont vus comme une bande de braques ; deux Californiens de plus à placer entre les Raëliens, les Scientologues, etc.Mais petit à petit, ces gens qui travaillent beaucoup sur les ordinateurs etc, vont de plus en plus convaincre autour d’eux qu’il se passe quelque chose. Et parallèlement (parce que bien sûr, je vous donne l’impression d’une histoire linéaire mais l’histoire n’est pas linéaire) il y a des gens qui travaillent en robotique, qui travaillent sur l’intelligence artificielle, qui elle aussi commence à élaborer des idées dites transhumanistes.Je dirais que le seul point commun entre ces mouvements dits psychédéliques et ces mouvements très scientifiques, c’est que ce sont tous des gros lecteurs de science-fiction.Ce qui est intéressant dans les thèmes du transhumanisme – qui vont se développer ensuite dans les années 80-90 – on peut les diviser en trois grandes parties. La première grande partie est l’accession à l’immortalité par tout un ensemble de technologies. Ensuite il y a l’accession à la superintelligence – c’est-à-dire dépasser (et là on retrouve la gnosis, c’est-à-dire l’idée que l’être humain finalement est très limité dans son accès aux connaissances et qu’il faut qu’il dépasse son intelligence actuelle). Il y a plusieurs écoles chez les transhumanistes, il y a ceux qui vont dire « bon, on va faire travailler le cerveau humain, on va modifier le cerveau humain » ; il y a ceux qui disent « on ne va pas le modifier mais on va le collecter en créant des intelligences collectives, outil wikipedia ++ qui vont ainsi devenir de plus en plus intelligents » ; et il y a ceux qui disent « de toute façon le cerveau humain est foutu, on va créer une intelligence artificielle qui sera beaucoup plus intelligente que nous et qui nous emmènera dans un paradis digital ensuite, où on n’aura plus qu’à se croiser les pouces ». En gros, vous avez toutes ces idées, c’est la superintelligence. Et vous avez un autre ensemble d’idées qui est moins bien connu mais très important (toujours ce côté un peu mystique), c’est l’idée que l’être humain n’est pas seulement une créature terrestre, que c’est une créature spatiale, une créature cosmique ; et l’idée de conquérir l’espace, voire de changer la structure même de l’espace et du temps pour certains – vous avez un astrophyscien qui s’appelle Frank Tipler par exemple, qui imagine à la fin des temps que l’univers va devenir une superintelligence, qu’il faudra bien appeler Dieu (d’ailleurs je crois que Dipler est chrétien, profondément, et qu’il pense que le Dieu de la Bible est une superintelligence située dans un lointain futur qui intervient sur son propre passé) - vous voyez le genre de spéculation qui se livre à ce niveau-là. Et je pense que c’est une idée qui est importante.Ce qui est intéressant, c’est de voir comment quelque chose de si bizarre, si marginal au début, est devenu aujourd’hui un thème qui est très à la mode. On ne cesse de dire que Google a créé la « singularity university » qui serait une sorte de fil d’or transhumaniste (que Kurzweil, qui est un inventeur de synthétiseurs et de différents objets technologiques, qui a été engagé par Google, serait le grand promoteur du transhumanisme) et c’est une idée qui devient petit à petit populaire – pas dans le sens qu’elle est tellement appréciée parce qu’elle suscite plutôt de la frayeur, mais qui devient un sujet de débat. Ce qui est intéressant, parce que je peux vous garantir qu’il y a 7-8 ans, personne ne parlait de transhumanismse. C’était pas du tout le sujet, c’était vraiment deux-trois listes de discussion sur Internet et c’est tout.Qu’est-ce qui va se passer aujourd’hui avec le transhumanisme ? Quelles sont les idées transhumanistes et qu’est-ce qu’il faut voir ? J’ai dit au début que je ne pensais pas que c’était un mouvement. Je pense qu’effectivement, si je devais donner une définition du transhumanisme, je dirais que c’est la branche extrême des geeks. Vous connaissez tous des geeks, eh bien vous les poussez au maximum, vous poussez toutes les idées geeks au maximum, et vous avez le transhumanisme.Ce n’est pas forcément un mouvement – bon, il y a des associations, des groupes etc. mais ces groupes peuvent faire 500'000 personnes dans le meilleur des cas et les Français doivent être dans l’ordre de 50 je pense, il y a des clubs de bridge qui sont beaucoup plus puissants – mais des idées qui traînent dans tous ces milieux de la haute technologie et qui ont réellement un impact sur la conscience des gens et sur la façon dont les gens travaillent les technologies. Je vous donne un exemple sur la façon dont les idées très transhumanistes deviennent des choses que vous voyez chez vous presque (pas encore) quotidiennement, d’ici 1 ou 2 ans.L’inventeur de la nanotechnologie, Eric Drexler,, imaginait qu’on allait pouvor créer des objets qu’il appelait des « assembleurs universels », et qui allaient pouvoir assembler des atomes pour faire n’importe quoi. Ce serait une espèce de micro-ondes, et avec ce micro-ondes vous appuyez sur un bouton, et hop vous créez un steak haché, une voiture, ce que vous voulez.Et un assembleur universel a une capacité, c’est de créer d’autres assembleurs. Donc Drexler imaginait une espèce d’état de richesse où tous les assembleurs seraient multipliés et où tout le monde pourrait créer ce qu’il veut.Il y avait une petite inquiétude, c’est qu’est-ce qui se passe si on oublie d’appuyer sur l’interrupteur « off » et que les assembleurs continuent à créer des assembleurs à l’infini, ça serait la fin de l’humanité, c’est ce qu’on appelle la gelée grise. C’est le cauchemard de la nanotechnologie, c’est-à-dire on croule sous les assembleurs et on meurt étouffés par les assembleurs.Idée folle. Vous avez tous entendu parler des imprimantes 3D. Certains d’entre vous travaillent avec. Eh bien il y a aujourd’hui une imprimante 3D (pas chère d’ailleurs) qui s’appelle la RepRap. Elle est spécialement conçue pour imprimer les composantes d’une imprimante 3D.Autrement dit, l’idée apparemment délirante de Drexler – parce que ces gens-là ont lu Drexler, bien évidemment, et ils ont repris le concept (alors c’est évidemment beaucoup plus modeste, c’est des imprimantes 3D), mais ils ont ce concept de machine autoréplicatrice.Vous aviez des choses dans les listes de diffusions transhumanistes il y a 15 ans, et qui aujourd’hui font la une des journaux. Bitcoin,par exemple. On imaginait déjà à l'époque les systèmes décentralisés de monnaie. Aujourd’hui, dès qu’il y a une faillite Bitcoin c’est dans le Figaro, c’est partout, tout le monde en parle, etc. Toutes ces idées pénètrent donc dans la conscience quotidienne. Qu’est-ce que ça va faire, est-ce que ça va créer des oppositions, est-ce que les gens sont pour, est-ce que les gens sont contre ? Mon impression – qui peut bien sûr être débattue – c’est qu’on en est plus là. C’est-à-dire que le transhumanisme, au début, est partout et on est dedans jusqu’au cou, de toute façon. Et ce qui va se passer demain va se passer demain pour nous tous.Et sur ce point, les transhumanistes ne sont pas forcément les plus en avance. Par exemple, les transhumanistes sont encore très obsédés par l’idée du robot, de la machine, et de l’hybridation de machines. Or, là où il se passe le plus de choses aujourd’hui, c’est dans le domaine de la biologie synthétique, par exemple. Le domaine de la biologie synthétique, c’est le travail sur le vivant. Et il est en train de se passer des choses absolument extraordinaires dans ce domaine-là, et même les transhumanistes, qui sont souvent des informaticiens, ne connaissent pas du tout le sujet. Mais on va tous tomber là-dedans. La question n’est pas une opposition entre les pro- et les anti-transhumanistes. Parce que, je dirais, on est tous transhumanistes, parce que il faut dire que le transhumanisme a gagné avec Newton. Il a gagné au 18ème siècle, quand je vous faisais l’histoire de l’hermétisme etc., le jour où quelqu’un a dit « la science peut avancer de manière infinie », on est obligé de penser à l’immortalité, au déplacement de l’humanité, etc., c’est intrinsèque, c’est dans l’ADN de la science.Maintenant, ce qui va se passer, c’est des conflits entre transhumanistes – et je vous le dis, on est tous transhumanistes, même si on ne le sait pas – sur comment on va faire. Et là, il y a des conflits qui pour l’instant n’apparaissent pas, parce que tout le monde est un petit peut dans une question « est-ce que c’est bien, est-ce que c’est mal ? ». De vraies questions se posent, c’est-à-dire « de toute façon, on va tous se modifier, l’environnement va être modifié, mais vous voulez que ça se passe comment ? ».Je vais vous donner deux ou trois exemples de conflits au sein du transhumanisme. Pour vous dire qu’effectivement, c’est très loin d’être quelque chose d’unitaire.La première question que tout le monde se pose sur les technologies transhumanistes, c’est « est-ce que oui ou non, ça va faire une division entre riches et pauvres ». C’est la grande ardoise que tout le monde a. Les réponses politiques des transhumanistes sur ce point sont très divergentes. Vous avez beaucoup d’anarcho-capitalistes qui vont vous dire « il faut laisser le marché décider, de toute façon c’est la meilleure façon d’être démocrate ». Je ne sais pas si vous connaissez ce qu’on appelle le mouvement libertarien. Il y a une phrase qui dit « combien faut-il de libertatiens pour changer une ampoule ? Aucun, le marché y pourvoira ». Il y a donc beaucoup de libertariens transhumanistes, mais il y a aussi des transhumanistes d’extrême gauche, etc. Et je trouve que les transhumanistes, sur ce point, très souvent (et c’est le reproche que je leur fais), c’est qu’il y a déjà des questions qui se posent aujourd’hui et sur lesquelles il faudrait qu’il y ait des positions, mais sur lesquelles ils sont un petit peu silencieux. Je vais donner un exemple clair, c’est celui de la propriété intellectuelle. Vous ne voulez pas qu’il y ait des riches et des pauvres, qu’est-ce qu’il faut faire ?Certains seraient par exemple pour l’extension des brevets. C’est-à-dire qu’il faudrait que les sociétés commerciales gardent plus longtemps les brevets, pour pouvoir faire des bénéfices dessus et donc profiter à tous. Et vous avez, en face, des gens qui sont les adeptes du libre, et de l’open silence, qui disent « il faut supprimer toute la propriété intellectuelle de la science, parce que tout est à tout le monde. Et si on veut qu’il n’y ait pas de différences entre pauvres et riches, il faut supprimer cet aspect des brevets ». C’est un conflit qui est réel. C’est un conflit qui a même eu son premier mot l’année dernière. C’est-à-dire que ce Hacker, qui s’appelait Aaron Schwarz, s’est suicidé parce que le MIT le poursuivait, parce qu’il avait mis en ligne des tas d’articles scientifiques qui étaient censés être payants. Il était tellement persécuté qu’il s’est suicidé. C’est un vrai conflit, et c’est vrai que sur ce point, les communautés transhumanistes, qui sont un petit peu obsédées par une espèce de futur abstrait, ne rentrent pas vraiment dedans. Autre conflit qui est intervenu au sein du mouvement transhumaniste, c’est le problème de la neuro-diversité. Qu’est-ce que la neuro-diversité ? C’est l’idée que certaines caractéristiques mentales, que nous considérons comme des anti-corps voire des maladies, seraient en fait des identités neurologiques. Et c’est un mouvement qui a été lancé par beaucoup de gens qui ont ce qu’on appelle le syndrome d’asperger, c’est-à-dire l’autisme de haut niveau. Il faut savoir que, dans les milieux transhumanistes, il y a une forte proportion de gens qui ont le syndrome d’Asperger. Et il y a aussi une forte proportion de gens qui sont transsexuels. Ce sont des mouvements qui attirent, bien naturellement, des gens qui se sentent différents. Mais le problème, c’est que le transhumanisme est très ambigu là-dessus. Est-ce que la technologie va guérir l’autisme ? Ou est-ce que, au contraire, la technologie doit permettre aux autistes de se développer en tant qu’autistes ? Par exemple, il y a eu quelqu’un qui a été membre du bureau directorial de la World Transhumanist Association, qui était une femme atteinte du syndrome d’Asperger, et qui finalement a claqué la porte du mouvement en disant, en anglais, ablist », c’est-à-dire ce sont des gens qui luttent pour devenir capables, devenir « able ». Ils niaient son identité d’autiste. Vous avez là des questions qui se posent. Qu’est-ce que ça veut dire, de transformer l’humanité ; qu’est-ce que ça veut dire, de l’augmenter ? Est-ce que ça veut dire que c’est un espèce de modèle de la santé, de l’homme sain qui doit être revendiqué, ou est-ce qu’au contraire, comme beaucoup de transhumanistes le sont déjà, des Asperger, des autistes, des déficitaires de la tension, des transsexuels, etc. revendiquent leur identité en tant que telle. Cela n’est pas encore un conflit, mais ça va le devenir. Effectivement, il va y avoir des questions autour de ça.On voit donc que ce qui va se passer demain, à mon avis, c’est qu’on va tous de plus en plus être transhumanistes, qu’on le veuille ou pas. Parce que la quesiton de l’immortalité, c’est un petit peu pareil. Souvent, la question dit aux gens « voulez-vous devenir immortels ? Oh non, ça serait terrible ». « Est-ce que vous voulez prendre ce médicament pour vous enlever ce petit problème que vous avez dans votre vieillissement ? » « Ah oui, évidemment ». Et bien entendu, les gens ne vont pas devenir immortels, on n’a pas quelqu’un qui va arriver avec des cornes et puis une odeur de soufre et dire « tu prends la pillule rouge, t’es immortel ; tu prends la pillule bleu, t’es pas immortel ». Vous allez aller chez votre médecin et on va vous dire « à votre âge, vous avez ça mais on vient de découvrir un truc, prenez-le » et c’est comme ça que ça va se passer, on découvrira qu’on vit 100, 200 ans, etc… peut-être, si ça marche.C’est donc pas quelque chose qui va rentrer directement, qui va être une question de choix philosophique ; ça va se faire inconsciemment. Par contre, ce qui va déclencher des problèmes, c’est l’ensemble de toutes les mutations qui vont pouvoir se faire, et qui ne vont pas forcément aller dans un sens qui plaît à tout le monde.Je parlais tout à l’heure de biologie synthétique. Demain, dans 3-4 ans, on va pouvoir commencer à créer les premières bactéries synthétiques, qui vont être lâchées dans la nature. Certaines seront positives, certaines seront négatives, mais certaines vont plaire à certains, et d’autres non ! Dans quel éco-système voulez-vous vivre ? Il y a des questions aussi qui se posent sur l’accès aux ressources, sur le climat, etc. C’est d’ailleurs par exemple une grande question qui à mon avis va être la question centrale des dix prochaines années, c’est « est-ce que, oui ou non, il faut manupuler le climat pour éviter le réchauffement climatique ? ».C’est une question qui est extrêmement délicate, et sur laquelle il peut y avoir des guerres. On n’est plus du tout dans le débat aimable où on joue à fleuret moucheté en buvant du champagne. Les gens vont se larguer des bombes, dans ce débat-là. Je trouve – et c’est un peu mon regret chez les transhumanistes – qu’ils ne sont pas du tout présents sur ces débats. Finalement, il y a un thème qui s’est un petit peu centralisé sur la lubridation de machines et sur le rôle de l’intelligence artificielle, qui fait que ces débats technologiques qui sont extrêmement forts, finalement le mouvement transhumaniste (à mon avis) n’est plus le lieu où ces débats ont lieu. Et ça, c’est un petit peu gênant. Voilà un peu ce que je vois. Merci.